On continue sur la lancée des journées ensoleillées à 6-7°C sans vent. C'est plutôt agréable. En plus pour bien débuter la journée nous continuons sur le plateau de la veille, donc les quarante premiers kilomètres sont plats. Bon ensuite ça se complique tout de même un peu, nous sommes à peu près à mille mètres d'altitude et il faut aller franchir le col de Çaykavak à 1616 mètres. Et oui, c'est pas petit, mais c'est notre métier.
Ensuite on peut se laisser descendre jusque la petite ville d'Ulukışla dans laquelle nous finirons l'année. C'est tout petit, il y a un hôtel sans prétention qui est ouvert et qui a de la place. Les gens y sont très accueillants et les chambres spacieuses (c'est pas fantastiquement propre et l'eau de la douche n'est pas vraiment chaude mais ça reste largement dans les standards).

Côté route, nous sommes, pour cette journée, sur des petites routes de campagne. On ne croise un véhicule que toutes les cinq minutes, il y a quelques chiens, pas mal de troupeaux de moutons et beaucoup de fermes.

La grosse surprise de la journée commence à l'entrée du village de Bahçeli. Il y a une piscine romaine qui date de la fin du IIè siècle. Elle a été restaurée et est en très bon état. Le panneau de présentation parle d'un système de canaux et d'aqueducs pour amener l'eau à la ville voisine. Et effectivement, quelques kilomètres plus loin, à l'entrée de Kemerhisar (anciennement Tyana), il y a plus d'un kilomètre d'aqueduc en plus ou moins bon état le long de la route. L'édifice parait sorti d'un plateau de cinéma.
À part ça, il y a beaucoup de champs à traverser, et toujours de belles montagnes enneigées tout autour de nous.

La journée aurait pu se passer très rapidement. Pour des raisons de distance entre logements disponibles, il n'y a que 42km à faire et c'est tout en descente. Donc il ne faudra même pas deux heures en selle pour rejoindre notre hôtel à Pozantı. C'est sur une nationale assez chargée en camions et il n'y a que deux voies en double sens. C'est donc une des routes les moins agréables que nous ayions empruntées en Turquie mais c'est vite passé.
En plus, il fait toujours beau et comme nous partons en toute fin de matinée, il fait une petite dizaine de degrés, et il n'y a pas de vent. Les conditions sont donc presque parfaites et nous pouvons profiter des paysages car les montagnes enneigées défilent sous nos yeux.

Ça aurait donc pu être une journée rapide et sans histoire mais nous avons décidé, au détour d'une station-essence, de nous arrêter dans un «oto aksesuar» (un magasin d'accessoires auto, c'est facile le turc!). N'importe qui roulant un petit peu en Turquie ne peut manquer les grands autocollants sur les voitures et les camions. Il y en a énormément et il n'y a que quelques options donc les deux plus fréquentes sont «Allah Korusun» et «Maşaallah», deux formules musulmanes marquant une bénédiction et un étonnement ou la félicité (en gros).
Ça fait quelques jours qu'on se disait qu'il nous faudrait un tel autocollant en souvenir sur le tandem. Donc comme on a du temps, on est venu voir quelles tailles étaient disponibles au Kardeşler Oto Aksesuar de Porsuk. On est tombé sur Yunus, un gars super gentil (qui nous a bien sûr offert le thé et même des simit, bretzels turcs, pour commencer) et il s'avère qu'il fait les autocollants sur mesure.
D'abord il prend les mesures sur notre vélo puis il prépare le message sur ordinateur. Il dispose de feuilles autocollantes de différentes couleurs. À côté, il y a une imposante découpe laser. Il s'occupe ensuite des finitions à la main.

Donc on s'est fait imprimer un «Maşaallah» rouge à la taille de notre panier avant. Comme il n'y a pas de surface plane sur le vélo, Yunus nous a fourni une plaque d'immatriculation noire, qu'on a fixée sur le panier et sur laquelle on a placé l'autocollant. Tout ça est fait très pro avec la perceuse et des serre-câbles.
Et, au moment de payer, Yunus refuse et nous dit que c'est offert!!! Voilà, c'est ça la Turquie (ou au moins une grande partie de la Turquie). Nous sommes toujours surpris par cette gentillesse!
En arrivant à Pozantı, il y avait un petit attroupement devant notre hôtel et si, comme souvent, notre vélo était le centre d'attention, la plaque "Maşaallah" a bien fait rigoler tout le monde. Donc: Maşaallah!

Une journée de contrastes. Nous partons de Pozantı, il fait 0° et il y a tempête de vent (heureusement dans le dos). Nous sommes en pleine montagne, au pieds des sommets enneigés. Et nous arrivons à Tarsus où il fait 18°C, sans vent, et nous ne sommes qu'à 20km de la mer Méditerranée.
Entre les deux, il nous faut gravir 600m de dénivelé dans la matinée pour atteindre le col de Kandilsırtı à 1370m d'altitude. Ça nous prend presque trois heures. Ensuite il y a 60km à descendre pour rejoindre le niveau de la mer et ça ne nous prend que deux heures et demi (et peu d'efforts). C'est comme ça le vélo.
Nous sommes sur la même nationale qu'avant-hier mais désormais il n'y a plus personne, elle est déserte. En fait, une autoroute plus récente a été construite en parallèle de cette route jusque Tarsus. Du coup, tout le trafic est sur le nouvel axe. L'ancienne route est tout de même en bon état et c'est donc parfait pour nous.

Nous ferons deux pauses dans deux stations-essence. Pas pour se réchauffer, mais pour les toilettes. Nous serons royalement accueillis dans les deux: intenses séances photo autour du tandem dans l'une et thé dans l'autre.
Nous traversons le village de Akçatekir qui a deux particularités. D'abord il est tout en long et s'étend sur une dizaine de kilomètres. Mais pour le traverser il faut gravir près de 400m de dénivelé. La seconde particularité est celle que l'on préfère: on n'a jamais vu autant de chiens errants! On en a dénombré une grosse centaine uniquement sur la rue principale! Et étonnement, il y a également un très grand nombre de magasins de saucisses, et les saucisses sont pendues sur les trottoirs (parfaitement accessibles). Mais ça n'intéresse pas les chiens... Nous n'avons pas pu jouer avec tous mais on a quand même fait quelques photos.

Après avoir parcouru 82km, la journée n'est pas finie. Nous avons également visité la ville de Tarsus, une ancienne cité romaine dont l'histoire remonte à plus de 6000 ans. Tarsus est aussi la ville dont était originaire Saint Paul, ce qui en fait un lieu de pélerinage très prisé. Pendant notre promenade, on a donc vu des ruines de bains romains, le petit bazar, l'église Saint Paul transformée en mosquée, la mosquée abritant le tombeau du prophète Daniel, mais aussi une petite cascade dont le débit est très bas malheureusement à cette saison.

Pour aller de Tarsus à Mersin, il n'y a qu'une nationale qui est extrêmement chargée en camions et voitures. C'est bruyant, ça pue et c'est un peu dangereux (il y a une large bande d'arrêt d'urgence mais elle est pleine de déchets et de verre, et y rouler est presque synonyme de crever).
En faisant quelques détours, on peut réussir à éviter le plus gros de cet axe. Il faut passer d'abord à travers champs puis à travers une énorme zone industrielle et enfin à travers une zone portuaire où transitent les containers.
Dans les champs, il y a pas mal de cultures différentes. Parmi celles qu'on a reconnues, il y a des oranges, des mandarines, des citrons et sous serre, des tomates et des bananes.

Mersin est un des plus grands ports de Turquie. Donc la zone portuaire est plutôt bien chargée mais ce sont des petites routes et ça ne roule pas vite.
La ville est très étendue et il faut la traverser sur près de dix kilomètres avant d'arriver dans notre appartement. Nous allons y rester trois jours et devrions être rejoints par Sofiia de ЗапоріжжяZaporizhzhya.
La journée n'était pas trop difficile, c'était plat et nous longions la mer. Cependant nous ne l'avons pas vue une seule fois de la journée. Ça devrait changer dans les jours qui viennent.