Le jour se lève, il est 8h, nous nous préparons pour 70km de vélo aujourd'hui. Mais avant de partir, François redresse le patin de frein arrière gauche qui fait mine de se rapprocher dangereusement du flanc du pneu et qu'on soupçonne d'être à l'origine de notre crevaison de la veille. Le réglage terminé, nous sortons le vélo de notre grand appartement et à tour de rôle on attache nos bagages sur le tandem pendant que l'autre tient l'engin. Eh oui, depuis hier, nous n'avons plus de béquille et c'est bien dommage.

On est donc partis tard, vers 9h15. Il a plu toute la journée, non-stop. Une vraie pluie cette fois. Mais il a fait moins froid que les jours précédents, environ 8°C. Notre unique pause, on l'a faite près d'une supérette et on n'a même pas eu froid. Nous sommes arrivés à destination à 14h30. Ça fait du bien d'arriver avant la nuit pour une fois! Notre hôtel est tout simple, il y a plusieurs chambres occupées, par des travailleurs ou des vacanciers, on ne saurait pas dire.

Puisque nous sommes arrivés tôt, nous en avons profité pour faire un tour à l'office de tourisme. Oh! pas pour faire du tourisme, mais pour savoir où acheter une vis! On nous a conseillé un magasin près d'ici où nous avons trouvé tout ce qu'il fallait: tige filetée, scie à métaux, écrous. Il aurait été plus simple de trouver des boulons de 10x120mm mais ce n'était pas en stock, donc nous les avons fabriqués.
De retour à l'hôtel François s'est réchauffé en sciant la tige à la bonne longueur et nous avons pu réparer notre béquille. Avec tout ça, on a fini à 18h, il nous reste encore à prendre nos douches et chercher à manger. Si tout va bien, ce soir , c'est kebab, juste à côté de l'hôtel.

Nous enchaînons un peu les conditions sinon extrêmes au moins défavorables. Et aujourd'hui, nous profitons de la tempête: un vent moyen de 35-40km/h avec des rafales jusque 80km/h, le tout principalement de face (bien en face) et dans un environnement à 80% dégagé. À la louche, c'est l'équivalent de monter une pente à 4-5% toute la journée quand c'est plat. Mais bien sûr ce n'est pas plat car la Lituanie est bien plus vallonnée que ses congénères Baltes.
Nous utilisons, pour préparer nos itinéraires, un service de cartographie en ligne qui s'appelle komoot. C'est allemand et c'est très puissant pour le vélo et la randonnée. Dans les options proposées, il y a des prévisions météo qui sont données en fonction de l'itinéraire, de notre vitesse et de l'heure de départ. Dans les prévisions, il y a bien sûr la force et le sens du vent qui sont bien représentés sur la carte. On peut voir des flèches qui représentent le sens du vent tout le long du tracé de nos déplacements. Et depuis trois jours, même si nous changeons de direction, le vent change avec nous et nous l'avons toujours de face. C'est la fameuse malédiction des cyclistes et aujourd'hui, en plus donc, ça souffle très fort.

Mais bon, nous avons quand même 88km à faire avec des journées très courtes donc la seule solution est de baisser la tête et de pédaler plus fort. Et ça, finalement, on sait faire!
Les soixante premiers kilomètres sont sur une route très calme. Il y a toujours des lacs partout et des collines à franchir les unes après les autres. La grosse différence aujourd'hui est qu'il faut pédaler pour avancer dans les descentes, c'est plutôt frustrant.
Ensuite nous arrivons dans la banlieue de Vilnius et là nous sortons des routes qui commencent à être chargées. Nous avons tenté un chemin de forêt dans une colline et autour d'un lac (parfait chemin lituanien donc) qui n'est pas goudronné. C'est toujours risqué à cette saison mais à part quelques flaques de boue et un petit passage glissant, abrupt et un peu flippant, c'était plutôt pas mal. On croisera même une biche (il y en a vraiment beaucoup par ici).
Ensuite nous rentrons dans Vilnius par une longue piste cyclable qui longe le fleuve Néris. C'est large, bitumé et les vues sont chouettes. Nous passons dans un magasin de vélo car nous avons besoin de refaire notre stock de pneu et de chambre à air (il n'y avait pas la taille de pneu). Puis nous arrivons en ville et nous sommes frappés par l'imposant Gedimino pilies bokštas, une imposante tour emblématique de la ville et au sommet d'une colline.
Après ça nous ferons une petite chute à la con à cause de travaux sur la piste cyclable qui nous forcent à monter des bordures de biais... Pas vraiment de peur ni de mal mais on préfère quand ça n'arrive pas tout de même. Et puis quelques centaines de mêtres plus loin nous rejoignons un petit appartement en rez-de-chaussée et en plein centre où il y a juste la place de mettre nos sacs et notre tandem pour deux nuits car demain c'est relâche et visite de Vilnius.

Une journée, c'est trop court pour visiter une ville comme Vilnius. Plus étendue que Riga ou même Tallinn, on peut y passer des heures à marcher. C'est un peu ce qu'on a fait aujourd'hui. Notre promenade a été plus ou moins guidée par les magasins de vélos, comme souvent. On avait besoin de pneu de rechange (pas trouvé), de pédales et de cale-pieds (qu'on a achetés mais qui ne vont pas finalement...). On a profité du beau temps pour faire quelques photos et envoyer notre drone au dessus des églises et du château.

Nous partons de Vilnius vers 8h15, quelques minutes après le lever de Soleil. Comme c'est samedi, les rues sont désertes et nous pouvons quitter le centre tranquillement. Le thermomètre est juste à zéro, ça picote un peu au début. La sortie de la ville et de sa banlieue est assez bien organisée pour les vélos, nous avons quelques pistes cyclables, des chemins dans la forêt, puis dans les collines. Les revêtements sont généralement très bons (sauf un kilomètre un peu plus chaotique dans les bois mais ça va) et nous sommes donc vite loin de l'agglomération.
De retour dans la campagne lituanienne, la température est encore plus basse et toute la végétation est blanche et les flaques sont gelées. Il y aura un petit brouillard jusque 10h30. Heureusement il se lèvera très vite ensuite et ça tombe bien car nous sommes arrivés à Trakai: un chouette château posé sur une île que nous tenions à voir. Nous arrivons par le raccourci des piétons: un chemin étroit qui passe par cinq petites îles connectées par d'étroits ponts de bois extrêmement glissants.

Nous avons du temps aujourd'hui car il n'y a que 70km à faire donc nous passerons un peu plus d'une heure autour du château. Malheureusement, nous ne pouvons pas entrer car l'accès n'est pas permis à cause du covid. Mais le drone, lui, peut aller voir dans la cour. Après nos visites, nous achetons deux kibinai, la grande spécialité locale! Il s'agit de beignets fourrés à la viande ou au fromage et ceux que l'on prendra sont délicieux. Bien que la plupart des échoppes destinées aux touristes sont closes (même si il y a pas mal de monde), il y a sur la route près d'une dizaine d'endroits où l'on peut acheter des kibinai et pour la campagne lituanienne, 10 vendeurs c'est énorme.
Ensuite, il nous reste en peu plus de deux heures pour atteindre le petit village (au grand nom) de Kloniniai Mijaugonys où nous avons réservé une jolie cabane en bois pour la nuit. Au-delà du charme de la cabane, ça implique de devoir sortir 5mn pour aller aux toilettes alors que cette nuit il fait -2° et il neige mais dans la cabane c'est vraiment charmant.
Donc aujourd'hui, nous avons eu le beau temps, il n'y avait même pas de vent et nous avons fait une chouette excursion touristique, c'était vraiment chouette après toutes ces journées de vent. Enfin, les prévisions se gâtent dès demain et le vent est déjà levé, nous l'entendons bien du fond de notre cabane.

Hier nous partions de Vilnius, l'actuelle capitale de la Lituanie et aujourd'hui nous allons à Kaunas, l'ancienne capitale de la Lituanie. Les deux villes sont éloignées d'une centaine de kilomètres. Alors qu'hier, nous avions un temps magnifique, toute la nuit le vent a soufflé et ce matin ça continue. Nous aurons de la pluie à peu près toute la journée pour l'accompagner. De nouveau, le vent joue contre nous et dans les passages où il n'y a pas d'arbres, c'est toujours aussi compliqué d'avancer.
Nous profiterons d'une petite épicerie après 2h30 de route pour nous réchauffer car il fait 3°C et le vent avec l'humidité nous refroidit grandement.

Les cinquante premiers kilomètres sont sur des routes calmes et goudronnées. C'est dimanche matin, nous croisons quelques personnes qui vont à la messe ou dans les épiceries mais globalement, c'est très calme. Ensuite comme nous approchons d'une grande ville, c'est un peu plus délicat: les axes goudronnés ressemblent à des autoroutes et il ne nous reste qu'un chemin de terre (plein de trous) pour nous approcher du centre. Ça nous ralentit mais ça se fait. Le centre-ville de Kaunas est plutôt bien adapté pour les vélos: l'artère commerçante principale a l'air interdite aux voitures (au moins le dimanche) et en plus c'est décoré pour Noël donc la traversée est assez sympathique. Et puis, petite surprise, nous devons grimper 100m d'altitude sur la dernière ligne droite, l'appartement que nous avons loué ici est sur une petite colline de la ville. On ne savait pas mais c'est comme ça et on espère qu'en contrepartie, nous aurons des vues sur la ville.

Kaunas est la deuxième ville du pays. Nous avons choisi d'y passer deux jours pour se reposer et visiter. La ville est située à la confluence des fleuves Néris et Niémen. C'est aussi là que se trouvent la vieille ville et les ruines du château. Un peu plus à l'Est se trouve le centre ville plus moderne, avec au centre une large avenue commerçante piétonne. Nous avons arpenté les rues à pied, emmitouflés dans nos écharpes et/ou masques. Nous avons eu une météo clémente, 6°C et peu de pluie. Nous avons aussi réussi à trouver de nouvelles pédales pour François.

Le reste de notre séjour sera partagé entre bricolage sur le vélo, préparation de la route, des prochains logements, commande et livraison d'un pneu de rechange assez spécifique qu'on ne trouve pas en magasin, etc. Pour les repas, nous nous faisons livrer. Hier c'était des plats lituaniens à base de pommes de terre: röstis fourrés à la viande, pancakes de pomme de terre et saucisses et autres beignets fourrés à la viande: les fameux kibinai. Ici on trouve aussi des boulangeries qui proposent entre autres des pâtisseries fourrées à la confiture de fruits de la passion ou des grosses madeleines fourrées à la cerise. Bref, on n'a pas de difficulté à reprendre des forces...

Aujourd'hui c'est notre 150ème journée de voyage dans notre vieille Europe qui se replie sur elle-même par crainte de la maladie. C'est aussi le jour où nous franchirons les 7500km. Et c'est également une nouvelle journée où nous roulerons six heures dans la bruine. C'est moins désagréable que la pluie mais quand on s'arrête enfin, on est quand même trempés jusqu'aux chaussettes. Le vent soufflait à une vingtaine de kilomètres par heure et la moitié de la route nous l'avions de côté, l'autre moitié de dos. Donc des conditions pas si mauvaises que ça pour une fin novembre au Nord de l'Europe de l'Est.

Comme souvent durant les journées pluvieuses, nous ne prendrons pas de photo. La logistique est toujours plus compliquée sous la pluie et en plus, aujourd'hui, même s'il avait fait beau, nous n'aurions pas eu grand-chose à photographier. Nous avons eu quatre-vingt douze kilomètres à travers champs, dont une bonne partie sur piste cyclable à la sortie de Prienai.
Ce que nous retiendrons de la journée, ce seront les gens. Nous avons deux pauses et aujourd'hui, plusieurs personnes sont venues nous parler à chaque fois. D'abord à Prienai, un jeune homme qui voyage à moto l'été est venu nous faire la discussion. Et puis surtout à Butrimonys, nous nous sommes arrêtés sur la petite place du village dans l'optique d'aller se réchauffer dans une épicerie. C'était un peu l'heure de pointe à l'épicerie et plusieurs clients sont venus nous voir pour savoir si nous avions besoin d'aide ou si nous cherchions quelque chose. Finalement, nous avons conversé de notre voyage avec une dame et son mari. Après quelques minutes de conversation, ils nous ont demandé de les attendre quelques minutes. Nous avons obtempéré et la dame est revenue pour nous offrir un grand bocal de chou rouge maison, le légume national. Nous ne savons pas encore de quelle manière nous pourrons le manger mais nous trouverons bien (un jour où nous aurons une cuisine...).

Ce soir, pour notre dernière nuit en Lituanie, nous dormons dans un cottage au bord d'un lac. Sans cuisine mais avec une salle de bain, c'est vraiment spacieux et très joli. Le tandem dormira donc lui aussi au chaud, dans le salon.

Côté Covid, nous avons reçu une alerte par SMS aujourd'hui, en lituanien. Après traduction, rien de spécial, le "confinement" est prolongé jusqu'au 17 décembre, port du masque dans les lieux publics, distance de 2m à respecter et appli mobile Stop Covid disponible. C'est un confinement moins punitif qu'en France: pas d'attestation nécessaire, pas de restriction des déplacements et pas de contrôle policier. Cela nous convient très bien.

Demain, si tout va bien nous entrerons en Pologne. Les frontières sont ouvertes. Il n'y a ni quarantaine ni besoin de test Covid négatif pour entrer. Mais il y a bien un confinement dans le pays: port du masque, fermeture des restaurants, bars, salles de sport et de spectacle. Restauration à emporter uniquement. Et, petite spécificité, les hôtels ne peuvent accueillir que des clients en déplacement professionnel. Heureusement que nous sommes des cyclotouristes professionnels...

Départ à 8h, peu après le lever du soleil, l'herbe est blanche de givre. Et pendant 93km à travers la campagne lituanienne puis polonaise, le givre sera toujours présent. Pas un rayon de soleil ne le fera fuire. Et le petit vent frais sera là pour nous rappeler qu'il ne fait pas plus d'un ou deux degrés aujourd'hui. Le froid est donc de retour. Alors on fait des pauses courtes, de préférence près d'une supérette pour pouvoir s'y réchauffer en traînant dans les rayons.

Nous avons quitté la Lituanie après 80km parcourus aujourd'hui. On change de pays, mais aussi de monnaie, de langue et de fuseau horaire. En Pologne, on n'utilise pas l'Euro mais le Zloty. On parle Polonais, on dira donc "Dzień dobry" pour dire bonjour. Et on revient dans le fuseau horaire de la France. Le gros inconvénient c'est que le soleil se couche désormais à 15h12! Pour nous cela signifie qu'on va devoir se lever vers 6h du matin si on veut éviter de rouler de nuit...! Mentalement ce n'est pas très agréable (même si c'est pareil que se lever à 7h en Lituanie), mais le plus embêtant c'est que les logements ne sont pas toujours disponibles tôt dans l'après-midi. Un logement dispo à 16h par exemple, nous expose à une heure de nuit. Et on ne peut même pas arriver plus tôt et attendre au chaud dans un café puisque tous les établissements sont fermés.

Le passage de frontière se fait au milieu de la forêt, sur des routes non goudronnées. Il n'y a même pas un poste de frontière désaffecté. On passe donc tranquillement. On le rappelle: les frontières de la Pologne sont ouvertes pour les Européens en cette période de Covid (mais les hôtels sont interdits aux touristes!). On arrive dans notre logement du soir un peu avant 15h, un bel appartement, très grand et très bien équippé. La gérante parle anglais et même un peu français. Nous sommes très bien reçus. Le soleil se couche peu après.